banniere Cinematographe

Cinéma argentique et D-Cinéma

Cinéma photochimique Vs vidéo HD

Ce texte, dont la source remonte à l'ouverture du site en 1999 fait le point sur la situation en 2016.

Le support argentique / photochimique 35 mm cinéma (ne parlons pas du 70 mm) est toujours le meilleur support opérationnel pour la conservation, à très long terme, des films de cinéma et affiche toujours de très bonnes perfomances techniques. Cependant, dans tous les domaines, de la prise de vues à la projection, de considérables progrès ont été accomplis depuis 1999 par la vidéo numérique qui remplace la pellicule et peut même la dépasser dans certains domaines. Par nature, il ne s'agit pourtant pas de la même technique d'enregistrement et, en conséquence, certaines comparaisons ont leurs limites.


Ci dessus les supports du film... un combat de générations ?

La vidéo a changé, depuis déjà longtemps, la mise en perspective de ce qu'est le "cinéma" et, pour la France, dès 1985, les salles cessent de représenter la première ressource financière du "cinéma". La vidéo-projection numérique (même en "définition standard") a d'ailleurs fini en 2003 par être une solution labellisée par le Centre National de la Cinématographie comme "cinématographique". Le texte suivant et ses pièces jointes sont quelques pistes de réflexions sur le passage de la chaine de fabrication et de diffusion du film argentique au numérique, sa vitesse et sa cohérence.


Ci dessus, 9 supports pour un film d'une même durée : 35mm, 16mm, 9,5mm, Super 8, VHS, Laserdisc, Digital Betacam, DVD et Blu Ray.

La mutation du support photochimique film au "D-cinema" (Cinéma numérique) s'est fait trop souvent vers des standards au rabais pour des raisons uniquement commerciales [ce que j'ai dénoncé sur cette page entre 2000 et 2011]. Le mérite de passage au numérique étant, après une phase "béate", de remettre la technique au coeur des discours sur l'art cinématographique qui repose sur la technologie.

Le film argentique a certes beaucoup de défauts dont son coût (plus élevé) ou la perte due aux transferts (MTF) entre le négatif et le positif d'exploitation, sa fragilité mécanique, etc. mais il a aussi de très grandes qualités. La firme Kodak pour la promotion de sa pellicule "Vision 3" revendique sur le négatif 14 diaphragmes de dynamique d'exposition (ce qui est la performance de l'oeil humain sans l'iris qui la porte à 24) et 8 K d'équivalent de définition même si, la nature corpusculaire des grains qui varie d'un photogramme à l'autre, complique la comparaison et que les copies positives sont d'une qualité très inférieure.


Ci dessus une mise en scène d'une improbable rencontre entre Toy story et un Pathé NAF

Il est important de souligner que le principe général d’une dite « qualité numérique » n'existe pas dans la réalité ! La comparaison entre les supports est en elle-même un enjeu industriel important et jusque vers 2007, il était impossible de se faire une idée objective de la question. A ma grande satisfaction, dans le n°515 de Février 2007 de l'incontournable revue Sonovision (en pages 25-26), il est enfin dit par des acteurs du marché de la restauration numérique que :" la résolution 2K n'intègre pas suffisamment d'informations, pour une image 35 mm. Il faudra plutôt opter pour une numérisation 4K, voire 6K ".. Un propos qui était jugé iconoclaste lorsque c'était moi qui le disait, vers 2000, en plein "délire collectif" où le seul discours possible était : " le cinéma numérique va immédiatement remplacer le film y compris sauver les archives cinématographiques " [à l'époque souvent même pas en 2K] ! Les comparaisons entre photochimique et numérique se fait en effet souvent sur des bases fantaisistes par exemple en évoquant deux traits argentiques = une ligne vidéo ou, simplement, parler de pixels alors que le grain est par nature différent d'une image à l'autre, etc. J'observe que les discours ont évolué au fur et à mesure que les technologies numériques deviennent réellement plus performantes (et les réglages plus fins) depuis 2011-2012.

En fait, la numérisation de la chaine de création du film était quasiment complétement réalisée via l'étalonnage numérique... Et ce, bien avant le basculement de la chaîne de captation et de distribution car c'est le "cheval de Troie" du numérique au cinéma. La bascule des 50% de l'étalonnage numérique avait eu lieu en 2006 bien avant la captation et la diffusion (alors que le procédé du "Digital Intermediate" n'a été initié aux USA et en France qu'en 2000).


Ci dessus les serveurs informatiques centraux de l'INA en 2010

Si, de par la seule logique industrielle nous allons trop vite, nous risquons de le regretter sur le plan patrimonial d'une part car nous sommes avec l'argentique des "Mr Jourdain" de la très haute définition ou d'une image ayant une nature propore difficile à transcrire avec fidélité en numérique. D'autre part, sur le plan "fonctionel" (disons "programmatique"), en ce qui concerne la distribution, les catalogues numériques de films "anciens" ou dits du "répertoire" seront pauvres en titres anciens sortants des sentiers battus. En effet, pour les programmateurs ambitieux ou les festivals de films, pour les dispositifs d'éducation à l'image, etc. trouver certaines copies ne sera, pendant très longtemps, possible qu'en photochimique pour cause de faible demande pour de nombreux titres peu rentables à numériser en D-Cinema.

La migration des données par le transfert de support n’est jamais neutre (de par les pertes, les transcodages, les recadrages, etc.). Il s'agit aussi d'éthique, en particulier dans le domaine de la "restauration" des films mais aussi d'une diffusion qui devrait être fidèle au film original et à son contexte technologique. Idéalement un film initialement conçu et diffusé en argentique est fait pour l'être ainsi. Il faut donc tout faire pour garder les films en support argentique d'origine. C'est pour cela que j'ai toujours été contre les destructions des copies dites de circulation dans les cinémathèques.

Dans la pratique, la préservation du support argentique ne se justifie plus pour beaucoup que via sa numérisation pour permettre une diffusion en numérique "Unicast" assez éloignée du cinéma ou de reprendre, dans le futur, le travail avec de nouveaux outils qui seront peut-être plus respectueux de la nature argentique du premier siècle de l'Histoire du cinéma.


Ci dessus un poste de tranfert et de restuation de l'INA (Saint Rémy l'Honoré) en 2015

On est en droit de penser, au sortir du "plan Nitrate" (1991-2006), que les plans de numérisation dans des normes mouvantes ou effectués au plus vite, cachent pour certains décideurs (pas toujours bien informés), d'autres priorités élémentaires comme celles de sauver les films des gémonies. Je ne fait pas seulement allusion au "syndrome du vinaigre" pour le film en support en acétate mais surtout à ceux qui ne voient pas la valeur patrimoniale de certains "petits" films alors que nous sommes officiellement à l'heure du modèle économique de la "long Tail" (ou "longue traîne") d'Internet qui devrait les rendre "rentables" à moyen terme.

Le numérique est un superbe outil en progrès constant dans la logique de l'évolution de l'informatique. Il apporte de nouvelles possibilités techniques comme la copie sans perte, un outil de retouche d’image simplifié (et plus efficace… parfois trop d’ailleurs... ), une facilité de montage, de diffusion, etc. Pour une sauvegarde du "cinéma" ou, du moins, d'une technique d'enrigistrement qui l'imite.


Ci dessus quelques supports numériques grand public (Laserdisc, DV, DVD, HD DVD, BR)

La captation

Les choses ont rapidement changé du côté de la "captation" (la prise de vues) et si 76% des films français de "cinéma" étaient tournés exclusivement en 35 mm en 2005 [avec même + 4% de métrage négatifs 35 mm en 2006], au 1er trimestre 2010, selon la FICAM, on était déjà plus qu'à 57% de 35mm et 3% de 16mm (Super 16).


Ci dessus une caméra Arriflex 416 Plus HS Super 16 mm au SATIS 2009.

C'est l'année 2011 qui aura été en France non seulement celle du basculement mais de l'inversion du rapport d'usage entre l'argentique et le numérique puisqu'il serait (selon la CST) proche de 80% de numérique et 20% c'est par la suite un peu stabilisé vers 2012 - 2013. Aux Etats-Unis, le basculement est un peu plus lent et la barre des 50% de photochimique du côté des tournages n'a du être franchie que vers janvier 2012. Les tournages avec de bonnes caméras numériques comme les caméras (Red One/Epic, Alexa, Phantom, etc.) avec des capteurs (de grande taille) sont de plus en plus nombreux et ces caméras remplacent une première génération aux performances douteuses dans de plusieurs domaines avec une colorimétrie et des noirs qui manquent de profondeur (... entre autres). L'AATON Penelope Delta (qui est construite, à Grenoble, à partir du modèle Penelope 5 en 35 mm 2/3 perforations) en est l'illustration.


Ci dessus l'incontournable caméra Red One avec une monté en puissance crédible du numérique.

Les images sont d'ailleurs de plus en plus "hybrides" et des appareils photo numériques peuvent même aider à capter l'image d'un film comme dans le cas de Black Swan en parallèle avec l'ARRIFLEX 416 Super 16mm. Certains films, comme par exemple, Inception de Christopher Nolan en 2010 peuvent utiliser jusqu’à 7 types de caméras différents avec du 35mm, en numérique 4K et même des négatifs 65mm et en VistaVision ou de l'IMAX pour The Dark Knight Rises en 2012.

Les deux technologies peuvent coexister sans forcément se combattre car elles sont en l'état actuel complémentaires ! Suivant le projet, les caractéristiques de la séquence à filmer (3D, basse lumière, etc.) ou à post-produire, on peut vouloir utiliser l'une ou l'autre des technologies. Cependant la situation de Kodak menace l'avenir de l'argentique en général bien qu'Hollywood ait fait une commande massive de négatifs vierges en 2012 de la pellicule Vision 3 et probablement encore 20% minimun de tournages aux Etats-Unis et 13% en France vers 2013.


Ci dessus un système de prise de vues 3D XDCAM EX vu au SATIS 2009.

La diffusion cinématographique

Le le plan de la diffusion, après une phase d'observation (entre 1999 et 2003), tout s'accélère aujourd'hui, même si les technologies et que les standards ne sont pas encore vraiment arrêtés. Par exemple : 2K ou 4K, avec quels niveaux de colorimétrie, de luminance, etc. Il faut, par exemple, savoir que, pour le moment, en projection il y a, le plus souvent, une absence de la gestion native d'autres formats d'images que le 1.85 et le Scope ! Dernier point qui prouve d'ailleurs la nature "industrielle" de cette mutation alors qu'une part majeure des films est disons "en 4/3" pour parler "vidéo". Beaucoup de "business men" font passer la qualité technique au second plan et seul le pragmatisme économique décide de la cohérence du changement.

En salles les chinois et les français ont opté pour le 2K et les américains pour le 4K (à moyen terme) mais une chose est certaine.. les choses ont beaucoup changé depuis 2006 avec un éclaircissement sur le modèle économique de distribution dit "VPF" (The Virtual Print Fee) et logiquement... 300% de croissance, au niveau mondial, entre mars 2006 et décembre 2006, pour la vente de projecteurs (professionnels) équipés en "D-cinema", soit une mutation clairement irréversible et très rapide.


Ci dessus un projecteur 2 K de première génération

Début 2006, seulement 19 salles fixes françaises (soit 0,36% du parc) étaient équipées et que le film dit « véhicule » de la technologie « D-cinema » (c’est çà dire cinéma digital) date de 1999 avec le film Star Wars, épisode I : La Menace fantôme.

Le choix du groupe français CGR fin 2007 d'équiper ses 400 écrans a accéléré le déploiement de la projection numérique en France. Début septembre 2011, il y avait 3008 écrans équipés en numérique en France, soit 54,9% des écrans [source Manice.org], (alors qu'en comparaison au 15 décembre 2009, 879 écrans français étaient équipés en D-cinema dont 549 compatibles avec la 3D pour 16 films distribués en relief et déjà, pour la première fois, certains exclusivement en numérique). La progression moyenne de l'équipement des salles françaises entre 2009 et 2011 aura été d'environ 100 projecteurs D-cinema par mois. En 2010, il n'y avait encore "que" 123 sorties en D-Cinema en France dont 23 nouveaux films de long-métrage en 3D dont la technologie de diffusion est soit passive ou active mais seuls 3 films avaient des fichiers de DCP (le fichier numérique livré à l'exploitant) en 4K et quasiment aucune projection dans ce format plus "paritaire" avec l'argentique. On était à 50% en 2011 qui est en France, comme pour les tournages, l'année du basculement.


Ci dessus, l'interface (programmable) d'un serveur de marque Doremi..

Depuis le début 2013, l'exploitation de nouveaux films se fait quasi exclusivement en numérique (97% en France) et avec la fin des tirages "en série" pour les films récents vers mars pour la France. Comme le signalait le Los Anges Times du 17 janvier 2014, une première grande Major américaine, la Paramount, aura été la première à ne tirer aucune copie 35mm pour un de ses films avec la sortie de The Wolf of Wall Street fin 2013.

La toute nouvelle vague d'équipements de salles en 4K (avec moins de "ghosting", plus de couleurs et autres défauts encore très "vidéo" va surement se développer en France sous peu, même si le prix réél des installations à moyen terme du fait de l'obsolescance rapide des technologies est un problème car certains annoncent déjà un coût de maintenance et d'installation multiplié par 6 par rapport au 35mm.


Début 2015, Truca chez Color City un laboratoire à Epinay sur Seine. (Elle provient de la faillite du laboratoire Ariane en novembre 2014).

Une numérisation exigente est à souhaiter même si, pour les films nativement tournés en argentique il s'agirera toujours d'une "imposture" de les exploiter autrement qu'en 35mm. Il faudrait au minimun 6K pour l'argentique 35 mm, 8K pour le 70 mm (comme Lawrence d'Arabie en 2011 [diffusé en 2012 à partir d'une restauration en 4K]) et 16K pour l'IMAX classique qui n'est cependant presque plus produit depuis 2014.

De manière générale, je pense cependant qu'un film est fait pour être vu dans des conditions techniques proches de celles de son exploitation originale ce qui devient quasi impossible depuis 2014-2015 pour plusieurs raisons dont le déséquipement en projecteurs 35mm.

Idéalement la vidéo en définition standard devrait être vue en vidéo, le film en film et la vidéo HD en vidéo HD, avec un respect des formats d'images qui ont été très nombreux dans l'histoire du cinéma (de 1:1.2 à même 1:4.1) car un recadrage fausse la perception d'un film et parfois même son sens.

Actuellement c'est le grand n'importe quoi dans ce domaine à la télévision qui est en pleine mutation avec le passage à la TVHD en 16/9ème (1:1.77) sans parler d'un lamentable retour de la colorisation dans le documentaire. La "valorisation" des films d'archives est fait via des recadrages lamentables du 1.33 par exemple au 1.77 avec autant de dégats que du temps des années 1980-1990 et le Pan & Scan des films en panoramique ou en Cinémascope.


Ci dessus un écran et des serveurs qui sont capables d'afficher du 4K au SATIS dès 2008 ...

Le film argentique doit pourtant rester la "référence" qualitative. Faire moins bien ne va pas dans le sens du progrès et risque de pousser les spectateurs devant leurs seuls écrans de TVHD, celà ne va d'ailleurs pas dans le sens de l'histoire des technologies du cinéma, qui en un siècle, ont généralement apporté un plus (pellicule panchromatique, son, couleur, formats panoramiques, etc.)

La présence encore trop fréquente d’écrans polarisés pour essayer de corriger une 3D (qui absorbe plus de 50% de la luminosité) perturbe les projections 2D numériques ou... argentique ! En théorie ils sont pourtant maintenant inerdits depuis 2015 pour la projection de films en 2D. En outre, plus qu’un regret sur le manque de piqué de l’image en D-Cinema, la présence d’un point chaud, de blancs brûlés, d’un effet « Sharp », de lignes mortes (avec un effet rayures), me fait penser qu'il y a encore du chemin à parcourir pour le cinéma numérique, spécialement si on le compare à ce qui existe à disposition du grand-public en matière de vidéo projection.

En référence à mes autres pages du site, les collectionneurs de films [voir ma page sur le sujet] auront d'ailleurs alors un rôle à jouer lorsque ni les distributeurs ni même les cinémathèques ne voudront ou ne pourront aider un festival... de "films". Du moment qu'ils auront conservé au moins un projecteur argentique et tous les équipements idoines le film est diffusable... Nouveau problème auquel j'ai fait face professionnellement entre 2011 et 2016 pour des animations et programmations. En effet, si une copie en support argentique est disponible, par contre ce n'est plus forcément le cas d'un projecteur 35mm et du matériel de base (fenêtres, carters, tension d'entrainement raisonnable pour l'acétate, etc.) il devient très difficile de faire une projection.


Ci dessus la salle privée de l'Atelier du 7ème Art à l'abris de ces problèmes

Le sujet est vaste car le changement de support a aussi des conséquences esthétiques ou dans le domaine de la programmation puisque les salles ne sont plus uniquement dédiées aux seuls films (mais aussi aux retransmissions de concerts, d'événements sportifs, etc.).

Les innovations récentes du cinéma s'inscrivent d'ailleurs dans le vaste mouvement de "convergence média" où la distribution devient plus intensive car la « chronologie des médias » est complètement bousculée car inapplicable (ne serait-ce qu’avec Internet).

De plus, le temps d'installation des films qu'induisait les contraintes liées à la matérialité du support va disparaitre et, avec lui, la chance laissée à certains films de rencontrer leur public. On peut d'ailleurs craindre que ce problème "d'identité", (après celui lié à l'apparition en France des complexes à partir de 1967 ou des muliplexes dès 1992), ne fasse que "vidéo HD pour Vidéo HD", sans exclusivité particulière, des spectateurs ne voient plus dans la salle de cinéma qu'un lieu banal qui ne les fait pas plus rêver que leur "home Cinema".

C'est certainement du côté de la vie autour du film que les exploitants devront travailler via des débats, des rencontres, des festivals, etc. car le dispositif vidéo lui même (en 3D ou pas) est peut-être devenu accessoire. Qu'il est loin le slogan de la grande salle parisienne le Max-Linder lors de sa réouverture en 70 mm en 1987 : "si vous venez pour la salle, n'oubliez pas de voir le film" !


Ci dessus un projecteur 35 mm à lanterne à Arc... toujours opérationnel actuellement

La conservation

L'histoire est émaillée de vagues de destruction, souvent par les éditeurs eux-mêmes d’un support film considéré comme un « objet périmé » avec en 1908 une première vague de destruction pour récupérer les sels d'argent, en 1925 à cause de l'invention de la pellicule panchromatique, en 1930 avec le parlant, la crise économique et la chute de fréquentation, la guerre, puis, par la suite : la couleur, les formats larges, l’interdiction en 1959 aux producteurs et distributeurs de conserver des films en nitrate (fabriqués en occident jusqu'en 1953) avec un grand nombre de destructions à la clef pour s'en « débarrasser ». Le passage à la prise de vue vidéo à la télévision et dans les entreprises, entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, et finalement actuellement le passage au cinéma numérique, achèvent de classer aux yeux de beaucoup le film argentique au rang d’objet obsolète et donc "périmé" (y compris les projecteurs détruits en masse vers 2011 avec une prime à la destruction).

François Ede (spécialiste respecté de la restauration de films) évoquait (le 14 octobre 2011), lors du colloque organisé par la Cinémathèque française "Révolution numérique et si le cinéma perdait la mémoire ?", la perspective de fichiers numériques "MAP" à 16K en 32 bits x 3 (pour chaque couleurs RVB) avec une quasi absence de compression et, pour la diffusion, des fichiers dits "IAP" plus normalisés en 2 ou 4K. C'est très séduisant mais cela n'est pas encore une réalité opérationnelle et cela pose des questions de conservation car sur quels supports mettre ces données ?

Pour le moment, sur le plan de la conservation, je rappelle d'ailleurs que le seul support pérenne pour la conservation des films est toujours le 35 mm en support polyester et aucune instance internationale comme la FIAF (la Fédération Internationale des Archives du Film) ou l'UNESCO n'a encore désigné un support numérique capable de la même performance. Ce support 35mm argentique n'est pas exempt de défaluts comme le rapide virage des couleurs (à quelques exceptions près comme le Technicolor n4 qui est la seule technologie qui se conserve sur le très long terme avec ses trois élements négatifs orignaux séparés et ou même la technique par imbibition des copies).


Ci dessus, début 2015, développement du Super 8 chez Color City début 2015.

Fin novembre 2013, alors que je croisais Eric Le Roy qui est le responsable du CNC chargé des questions relatives au dépot légal et président de la FIAF, il m'indiquait qu'à sa connaissance environ 80% des films français qui sont tourné en numérique connaissait un retour sur film photochimique 35mm pour leur conservation même si cela n'implique pas forcémement que cet élément photochimique aille physiquement au dépot légal (alors qu'il est pourtant toujours obligatoire de déposer un élément argentique comme un positif). En 2016, une autre source professionnelle Christophe Massie (le président délégué de la commission Observatoires métiers et marchés de la fédération), indiquait dans le film français seulement 20% de retours en argentique !

Fin 2014, la firme JVC sortait, les premiers projecteurs 8K en natif. Les numérisations / restaurations de films anciens effectuées jusqu'à nos jours devront en outre être refaites... (Si c'est encore possible au vu de l'état de conservation des éléments originaux). Les moyens techniques existent déjà et même depuis longtemps (si on pense à la restauration numérique en 4K de Blanche neige et les 7 nains en 1993 par Disney) mais l'économie dicte toujours sa règle avant toute autre considération.

Les fermetures en séries des laboratoires entre 2012 et 2015 comme LTC, Arane Giliver, où cette activité chez Éclair laisse Digimage assurer les retours sur film (après d’ailleurs quelques ré investissements) avec quelques laboratoires se maintiennent avec de modestes capacités comme Color City avant une délocalisation peut-être inévitable verrs l'Est ou l'Asie.

C'est souvent les usages concrets qui, en matière de technologies, dictent ce qui va se faire. Fin 2015, il semble de plus en plus évident que la cartouche magnétique LTO va devenir le support d'usages de la conservation chez des prestataires spécialisés. Elle n'est pas pérenne et nécéssite de multiples copies et migrations des données de court terme du fait de la non "Retro compatibilité" en lecture à plus de 2 générations.

Pour information, les cartouches LTO (magnétiques) demanderont d'ailleurs un contrôle annuel dit "désarchivage" d'un coût de l'ordre, (selon François Ede (cité plus haut) qui synthétise plusieurs sources et rapports) de... 2952 euros par an pour un long-métrage ! Ainsi, les solutions numériques sont en fait moins rentables à long terme que le stockage en photochimique (qui, suivant les mêmes calculs est à 392,9 euros à 12°c ou 480 euros en 2011). Situation qui ne semblait pas avoir évolué en 2015-2016.


Ci dessus les supports de stockage actuels le 35mm et la cartouche LTO.

Les décideurs politiques et le CNC (français), en lien avec le programme de numérisation du "grand emprunt de 2009", ont décidés d'aider à la numérisation de (selon la SACD) 6500 longs-métrages et 6500 Courts-métrages français en 2K [certaines sources indiquent 3000 LM et 3000 CM) ; cela induit donc, à moyen terme, la forme de leur visibilité exclusivement numérique en 2K mais pas leur conservation à long terme. De plus un emprunt de ce type est, par définition, à rembourser (avec des intérêts) et ne concernera directement ou non que ce qui est financièrement "rentable" à numériser.

Le numérique en matière d'archives donne l'impression du passage d'un "paradigme de la rareté à celui de l’abondance" mais il y a toujours quelques faux semblants dans une telle mutation. A titre indicatif, dans notre collection privée de films argentique (voir les pages sur le sujet suir le site A7art.fr) il est probable, qu'en 2013, moins de 1/4 des titres dont nous disposons en 35mm et 16mm étaient accessibles en vidéo (HD pour les longs-métrages et vidéo SD ou Internet pour les courts ou les documentaires). Reste donc beaucoup à faire et... à montrer.

Encore une fois, implicitement, cela revient aussi à admettre qu'il y a des films "peu rentables" à numériser et, d'autre part, que nous nous éloignons du choix américain pour les films du "patrimoine" d'une numérisation en 4K et un report sur 3 pellicules argentiques 35mm noir et blanc correspondant aux 3 couleurs fondamentales (un peu à la façon du Technicolor n4 mais sans le retour en copie par imbibition). Il ne faudrait pas que seul la "monétisation" des archives soit la seule clé de leur "valorisation".

La vidéo analogique est d'ailleurs abordée dans certaines annexes de mes cours (ci dessous) car elle représente un très gros problème patrimonial puisque le signal s'efface relativement rapidement ou, du moins, est difficle à lire et que, pour diverses raisons, les fonds d'archives (dans les entreprises ou ailleurs) ont pu être détruits avant d'avoir l'occasion de pouvoir connaitre un transfert de support. Toutes les structures n'ont pas les moyens de l'INA et le niveau de qualité attendu n'est pas le même !


Ci dessus une des salles de restauration des bandes vidéos à l'INA en 2010.

Certains transferts de support réalisés il y a 15 ans (même vers le numérique) impliquent aujourd'hui un retour à des éléments originaux d'il y a 50 ans (type argentique ou bandes 2 pouces).

Profondément transformé et détaché du support argentique qui fut le sien pendant plus d'un siècle, le "cinéma" est semble-t-il en passe de ne faire plus qu'un avec la vidéo... si l’on admet toutefois qu’il s’agit toujours de « Cinéma ». Le titre en forme de question de l’ouvrage d’André Bazin "Qu'est ce que le cinéma ?" est devenu aujourd’hui une question à laquelle il est très difficile de répondre alors que le vocable même « Cinématographe » voit son lien avec le support qu’il défini depuis plus d’un siècle modifié ou même supprimé.

Ci après quelques uns de mes textes ou annexes de cours :

Tableau récapitulatif des supports de films et des formats d'écran au cinéma (fichier pdf, 27ko 1 page)
2002-2013
Rappels sur les étapes techniques principales du cinéma en photochimique et en numérique (fichier pdf, 15ko 2 pages)
2002-2015
Rappels sur la qualité de l’image cinématographique, en général (fichier pdf, 14ko 1 page)
2002-2014
Articles, dictionnaire et textes pédagogiques pour Europa Film Treasures site Internet piloté par Lobster films - liens externes : la conservation , Doit-On tout garder ? (Le site ayant été fermé pour des raisons budgétaire il est cependant encore visible via Archive.org )
2009
Article en ligne pour Family Movie (une société spécialisée dans la numérisation des films du 8mm au 16mm).- lien externe : http://www.familymovie.fr/histoire-du-format-argentique (avec une partie que j'ai réalisé sur le support film)
2012
Tableau rappelant la fréquentation des salles (fichier pdf 57ko - sources CNC)
2013
Lien vers ma thèse de doctorat sur Les collections privées de films en support argentique en France (soutenue, en novembre 2009, à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines) qui est disponible en ligne depuis mars 2014 (en pdf sous zip de 8MO). Pour les courrageux lecteurs de mes 684 pages sur le sujet, précisons que cet état des lieux est celui de 2009 et que les choses ont un peu bougé, depuis en particulier, la fin de l'exploitation en argentique.
2009

Ci dessus, mes échantillons de formats de support film "cinéma" (zoom possible vers le jpeg) [nouvelle version 2009 dont j'autorise l'utilisation en classe, l'affichage dans les cinémathèques (mais toujours avec mon nom dessus...[merci]) et pas les hyper liens]

Ci après dans une version pdf en 620 KO


En complément de ce texte mes pages sur mes axes de recherches et les cinémathèques, celle sur mon activité d'enseignement et celle de consulting. A voir également la page de la Cinémathèque Centrale de l'Enseignement Public un fonds centenaire dont je m'occupe professionnellement à la DBU de l'université Sorbonne Nouvelle.

N'hésitez pas à me contacter

Frédéric Rolland